Numéro trois du gouvernement capverdien et candidate à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD)*, Cristina Duarte dépeint les mutations à l’œuvre sur l’archipel.

Décideurs. Vous êtes candidate au poste de président de la BAD pour des élections qui se tiendront au mois de mai prochain. Quel est le sens de cette candidature ?

Cristina Duarte. Disons qu’il existe à la fois une « raison pays » et une « raison personnelle ». Le Cap-Vert est un petit archipel lusophone qui ne fait pas partie des blocs géopolitiques africains traditionnels. Cette candidature présente donc une grande opportunité. Mon pays a une crédibilité et l’ambition de faire pour l’Afrique ce qui a été fait pour le Cap-Vert. Personnellement, j’ai l’ambition de participer à la fin de la gestion de la pauvreté pour transformer structurellement mon continent. Ministre des Finances et du Plan depuis 2006, j’ai présenté mon dixième budget devant le Parlement en décembre dernier. Sous mon impulsion, il y a eu un changement des systèmes budgétaires et fiscaux dans le pays. Je n’ai pas peur de faire des réformes quand cela est nécessaire. Alors pourquoi pas un pays insulaire ? Et pourquoi pas une femme ?

Décideurs. Vous êtes vous-même un bel exemple de leadership féminin. Quel est le rôle et la place des femmes dans l’archipel ?

C. D. Le Cap-Vert est en avance par rapport à de nombreux pays : il y a plus de 50 % de femmes au gouvernement ! L’adjoint au Premier ministre est une femme et je suis moi-même numéro trois du gouvernement. Les femmes sont présentes à des postes clés : au ministère de l’Intérieur, à l’Économie et au Tourisme, à l’Éducation, à l’Emploi et au Développement rural. Les secrétaires d’État des Finances et des Affaires étrangères sont aussi des femmes. Depuis 1975, il y a une volonté politique de promotion de l’égalité des genres. La femme en Afrique ne doit pas être limitée à des rôles subalternes mais faire partie intégrante du développement du continent. Les femmes africaines ne peuvent pas être cantonnées à la gestion de la pauvreté : elles doivent devenir des managers de qualité.

Décideurs. Quels secteurs d’activité drainent aujourd’hui le développement du Cap-Vert ?

C. D. Le tourisme est passé de 6 % à 22 % du PIB. C’est un véritable vecteur de croissance économique mais nous ne voulons pas en être prisonniers. Nous œuvrons à la transformation du pays en base logistique dans le secteur maritime. L’aérien est un autre axe de développement. Les aéroports sont internationaux et notre compagnie aérienne possède toutes les certifications internationales. Par ailleurs, le Cap-Vert a été choisi comme pays référent de la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) dans le secteur des énergies renouvelables et nous sommes désormais un pays équipé en WiFi grâce à l’installation de câbles sous-marins. L’autre atout du Cap-Vert, c’est sa diaspora, très vaste et parfois hautement qualifiée, qui commence à se mobiliser pour investir dans l’archipel.

Décideurs. L’Afrique lusophone, à l’instar de l’Angola, affiche d’importants taux de croissance, comme d’autres pays lusophones, et en particulier le Brésil. Quelle fonction a la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) dans cet environnement ?

C. D. La CPLP intervient surtout dans le domaine des relations publiques et institutionnelles, beaucoup moins dans les relations d’affaires. Le Portugal et l’Angola sont des investisseurs privilégiés au Cap-Vert. Mais ces relations étroites résultent uniquement du cadre bilatéral. Avec l’Europe, le Cap-Vert a mis en place un partenariat spécial pour faciliter l’installation des entreprises européennes s’y installent en toute confiance. Si le PIB est déjà structuré à 75 % par les prestations de service, notre ambition est de devenir l’équivalent de Maurice en Afrique occidentale : nous voulons optimiser notre positionnement géographique en devenant un hub de prestations de services maritimes, financières et aériennes.


Propos recueillis par André-Franck Ahoyo et Elodie Sigaux
 

 

*Interview réalisée en Avril 2015, lors des élections au poste de Président de la BAD, depuis remportées par le nigérian Akinwumi Adesina.
 

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