Surfant sur la vague du renouveau de la classe politique française, Bruno Lemaire s'affirme chaque jour un peu plus comme un sérieux prétendant à la primaire de la droite et du centre. Il nous fait part de ses propositions en matière économique.

Décideurs. Quelles sont vos principales propositions en faveur des entreprises ?

Bruno Le Maire. En sillonnant la France depuis maintenant près de 4 ans, je partage chaque jour l’enthousiasme, l’esprit de conquête mais aussi les difficultés des entrepreneurs. J’entends les chefs d’entreprise, les salariés m’expliquer qu’ils pourraient obtenir de bien plus grands succès s’ils disposaient d’un terrain de jeu identique à celui de nos partenaires européens. L'enjeu pour nous est simple : redonner envie d'investir, libérer le travail et réenclencher un cercle vertueux. Mon rôle comme président de la République sera de créer les conditions d’une nouvelle dynamique en nous concentrant sur trois priorités dès l’été 2017.

La première sera traitée par ordonnance. Il s’agira de réduire les contraintes en termes de droit du travail avec notamment la formalisation de contrats de travail plus souples pour lever les freins à l’embauche : un contrat de mission pour remplacer le CDD, renouvelable sans limitation mais dont les droits iront croissant pour les salariés ; un CDI avec des modalités de séparation plus simples ; un e-contrat pour les petites entreprises, qui pourra être conclu rapidement, sur Internet. Dans le même objectif, les seuils sociaux seront relevés, la représentation syndicale réformée pour que les représentants syndicaux ne soient plus attachés à plein temps à leur mandat mais conservent leur poste et puissent rester en prise avec l’entreprise. Le non-cumul dans le temps des mandats syndicaux que je mettrai également en œuvre pour les hommes politiques sera la règle. Dans cette ordonnance, nous laisserons également aux entreprises la liberté de négocier leur temps de travail et le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Pour que chacun trouve sa place, je sécuriserai et simplifierai le régime autoentrepreneur/microentrepreneur.

La deuxième priorité vise à restaurer les marges et la capacité d’investissement des entreprises françaises : le CICE sera transformé en baisse de charges applicables pour tous les salaires. Il faut également permettre aux plus petites entreprises, sous-traitantes des plus grandes de se faire payer dans des délais raisonnables. Une plate-forme web sera mise en œuvre et modérée par les équipes du médiateur inter-entreprises pour noter les entreprises ou les administrations selon leur pratique en la matière. Nous favoriserons également la concurrence sur les crédits aux entreprises en assouplissant encore le cadre des plates-formes numériques de financement participatif.

Enfin, troisième priorité : la prise de risque et l’entrepreneuriat doivent être récompensés. Les entreprises doivent être créées en France et les entrepreneurs doivent pouvoir bénéficier du fruit de leur créativité, de leur engagement et souvent de leurs sacrifices de vie personnelle. Nous instaurerons une taxe unique à 25 % (prélèvements sociaux inclus) sur les revenus du capital et sur les plus-values, tout en conservant les exceptions plus favorables. L’ISF sera supprimé pour permettre aux capitaux français de s’investir dans nos entreprises. Cette fiscalité sera modifiée dès l’été 2017 et sera stable tout au long du quinquennat.

 

Décideurs. Quel rôle doivent tenir les fonds de capital-investissement (fonds de capital-innovation, de capital-développement et de capital-transmission) ?

Bruno Le Maire. Les fonds de capital-investissement sont très importants pour le financement et l’accompagnement des entreprises qui vivent des étapes charnières (création, accélération de leur croissance, ouverture de nouveaux marchés, restructuration, transmission). Il existe une certaine frilosité culturelle française de la part de certains dirigeants et actionnaires d’entreprise en France à ouvrir leur capital. C’est quelque chose de beaucoup plus naturel dans les pays anglo-saxons. L’État n’a pas à s’immiscer dans ces choix d’entreprises qui sont autant de décisions individuelles. Jusqu’à présent, en mettant en place des niches fiscales en contrepartie d’impôts déraisonnables, il n’a conduit qu’à brouiller les rendements réels et a incité les gestionnaires de fonds à ne pas chercher le risque et la performance. Les projets français sont pleins de promesses et le capital-risque peut être profitable. La proximité géographique et culturelle entre les dirigeants d’entreprise et les gestionnaires de fonds est fondamentale pour permettre un accompagnement opérationnel efficace et consolider la stratégie des entreprises. Pour cela, renforcer les fonds d’origine française est très important. Nos propositions en matière de fiscalité permettront de retrouver le chemin d’investissements créateurs de croissance sans crainte d’une imposition jusque-là punitive. 

 

Décideurs. Quelles mesures comptez-vous mettre en place pour favoriser le développement des entreprises innovantes ?

B. Le M. Il faut de la stabilité et de la simplicité. Le Crédit d'impôt recherche et la Jeune entreprise innovante seront maintenus. Le CIR devrait même être optimisé notamment pour rendre plus attractif dans la durée le recrutement de nos jeunes docteurs en sciences.

Il faut aider nos entreprises à sortir rapidement de nos frontières et se projeter sur le marché européen et mondial. Malgré la création de Business France, le soutien public à l’export doit encore être simplifié et optimisé pour entrer dans une logique de guichet unique qui serait confié à une seule tutelle. Il existe encore trop d’interlocuteurs différents pour les entreprises.

 

Décideurs. Quelles solutions proposez-vous pour aider les start-up à financer leur projet de développement ?

B. Le M. Nous comptons beaucoup sur les effets d’entraînement par une première génération d’entrepreneurs qui ont réussi et réinvestissent. Cela peut se compléter par un fléchage de l’épargne des Français vers les start-up créées en France. Nous devons ensuite améliorer la lisibilité des aides publiques qui sont trop éparses et parfois redondantes et, là encore, rationnaliser des guichets. C’est un travail de fond auquel il faudra s’atteler avec constance et ténacité.

 

Décideurs. Comme le souligne le commissaire général à l’investissement, Louis Schweitzer, le soutien des fonds d’investissement et des entreprises aux projets financiers par le secteur public est essentiel. Faut-il renforcer ce mode d’investissement ?

B. Le M. Je suis par nature très prudent sur la capacité des administrations publiques à se substituer aux acteurs privés dans des choix d’investissement. Pour opérer des choix rationnels, les décideurs doivent être engagés dans le succès ou l’échec des opérations qu’ils mènent. Ce mode d’investissement ne peut donc trouver de raison d’être que sur des sujets d’intérêt général clairement identifiés ou qui nécessitent à un moment donné une impulsion particulière (économie durable, sécurité nationale…). Le Programme des investissements d’avenir aura 7 ans en 2017, c’est un bon délai pour établir un bilan d’étape précis et objectif.

 

Décideurs. Pour rediriger l’épargne des salariés vers le financement des entreprises, Emmanuel Macron a présenté un projet de création de fonds de pension à la française. L’idée vous paraît-elle pertinente, suffisante ?

B. Le M. A part l’énoncé du concept, je n’ai pas bien compris ni vu ce qu’Emmanuel Macron proposait de concret pour développer les fonds de pension à la française. En tout état de cause, la priorité numéro un sera de consolider le régime de retraite par répartition que le gouvernement actuel n’aura pas eu le courage d’achever en mettant en oeuvre les réformes de structures attendues des Français, en particulier l’alignement des régimes public et privé et la fin des régimes spéciaux. Le chantier est immense et durera plusieurs années. Cela ne nous exonérera pas de regarder avec l’ensemble des professionnels l’intérêt d’une mise en œuvre d’un système complémentaire de capitalisation à plus long terme.

 

Décideurs. Les pouvoirs publics doivent-ils soutenir l’émergence du crowdfunding ?

B. Le M. Assurément. Bien qu’encore émergent, le crowdfunding représente une alternative bienvenue de financement pour nos PME. C’est un élément de choix de financement supplémentaire pour les entrepreneurs et il faut le consolider. Nous pouvons encore élargir le marché en permettant par exemple aux plates-formes de proposer des prêts inter-entreprises.

 

Aurélien Florin 

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