Bruno Guillemet, DRH expert, nous parle de son nouveau défi : orchestrer la fusion d’Alstom et de General Electric.
Décideurs. Actualité brûlante chez Alstom que la fusion en cours avec General Electric. Quels sont selon vous les facteurs clés de succès d’un tel projet de transformation au niveau RH ?

Bruno Guillemet.
Plus que de parler de facteurs clés de succès, je parlerais d’instants clés, et notamment des premières réunions, lorsqu’il s’agit d’apprendre à se connaître. Alstom et General Electric (GE) sont toutes deux de grandes entreprises qui ont chacune leur histoire et leurs valeurs. Pourtant, les contacts liminaires se sont faits sans arrogance et avec beaucoup d’écoute et d’humilité. GE a montré de l’intérêt pour ce que nous faisons, et ce sont ces échanges qui ont permis de développer un esprit de coopération, fondamental dans le cadre d’une fusion. Cela a été possible alors que le format juridique de nos discussions est très réglementé : jusqu’au closing nous sommes toujours concurrents.

Décideurs. Vous avez mis en place un vaste plan de consultation auprès de soixante et onze comités d’entreprise. Quels ont été les axes traités et comment avez-vous déployé ce plan ? Pourquoi était-ce l’une de vos priorités ?

B. G.
Tout au long du processus, un plan de communication interne a été développé. L’information est primordiale car les équipes ont besoin de comprendre la situation et d’être rassurées. Une fusion est anxiogène et facteur d’incertitudes. Formellement, les étapes de ce processus ont débuté par l’information-consultation des instances représentatives du personnel. Objectif : la remise d’un avis avant fin octobre 2014. Pour tenir ce délai très court, nous avons mis en place un accord de méthode avec les IRP et défini dix thèmes sur lesquels elles disposeraient de toute l’information disponible ; entre autres, l’empreinte industrielle du groupe, la nature des engagements sur l’emploi de GE ou encore la manière dont seront créées les IRP dans la nouvelle entité. Ces axes ont été présentés dans l’entreprise au travers d’interventions de Clara Gaymard (CEO France), Mark Hutchinson (en charge de l’intégration) et même de Jeff Immelt, le président du groupe, qui est venu répondre aux questions et parler de l’intégration. Ces moments d’échange ont créé un climat favorable – bien sûr avec des hauts et des bas – et ont débouché sur un avis positif sur le projet. Suite à cela, l’assemblée des actionnaires, qui s’est tenue en décembre, a approuvé la transaction à plus de 99 %.

Décideurs. Le mariage d’un géant français avec un géant américain, c’est aussi la rencontre de deux cultures d’entreprise. Comment, en tant que DRH, anticipe-t-on ce phénomène ?

B. G.
Certes, nous avons des cultures différentes, mais plus nous travaillons ensemble, plus elles nous semblent compatibles. Dans cette période de pré-intégration, il est en effet important d’anticiper tous les points de divergence qui pourraient exister entre les deux groupes. La différence culturelle se niche parfois dans les détails. Je cite souvent l’exemple d’une demande d’information par mail d’un collaborateur de GE qui ne précise pas d’échéance puisqu’il attend une réponse immédiate, tandis que le collaborateur d’Alstom ne comprenant pas que c’est pour tout de suite, attend et indique systématiquement une date butoir. Le savoir permet d’éclaircir les règles du jeu.

Pour apprendre à mieux se connaître, nous avons notamment mis en place des groupes de travail dédiés à la culture et à l’engagement afin de faire émerger les différences. Par exemple, des réunions peer-to-peer qui ont permis à chacun d’expliquer sa manière de travailler. Des enquêtes d’opinion permettent par ailleurs de mesurer l’évolution du taux d’adhésion des équipes au projet : au mois de décembre, ces enquêtes ont montré un taux d’adhésion de plus de 90 % des équipes d’Alstom en faveur du projet avec GE.

Propos recueillis par Julie Atlan

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