Responsable du développement de Spotify en France et au Benelux, Bruno Crolot nous livre son analyse du marché de la musique à travers le prisme du streaming.

 

Bruno Crolot

Managing Director, Spotify France & Benelux

 

Décideurs. Quel état des lieux faîtes-vous de l'industrie de la musique ?

Bruno Crolot. Les choses vont dans le bon sens. Après la forte crise que l’industrie vient de connaître, le passage d’un modèle de consommation physique à celui fondé sur le digital, et notamment le streaming, ouvre des perspectives de croissance. On a jamais autant écouté de musique qu'aujourd'hui. Les labels, éditeurs et distributeurs sont alignés pour financer, promouvoir et faciliter l'écoute d'oeuvres en streaming, que les services soient payants ou gratuits pour l’utilisateur (financés par la publicité). 

On parle régulièrement d'une concurrence à trois têtes entre vous, Spotify, Apple Music et Deezer. Ce schéma-là vous paraît-il pérenne ?

Chaque service a son rôle à jouer et contribue favorablement au développement de l'industrie dans son ensemble. Cela ne doit pas cacher la réalité du terrain, je suis voué à une mission : développer le marché du streaming et faire gagner des parts de marché à Spotify en France et au Benelux.  

Vous avez un rôle particulier en tant que manager de Spotify pour la France puisque c'est le bastion de l'un de vos plus gros concurrents, Deezer. Quel positionnement adoptez-vous ? 

Il est vrai que Spotify fait face à une forte concurrence locale en France, alors que le groupe est leader incontesté à peu près partout ailleurs... Le premier argument plaidant pour notre application est la profondeur inégalée de son catalogue. La relation est saine entre Deezer et Spotify ; nous discutons d'ailleurs régulièrement des problématiques communes aux services de streaming musical. 

Distribuer de la musique, c'est s'entendre avec les labels sur la rémunération des artistes. Où en est-on sur ce point ? Que pensez-vous du business model de Tidal par exemple, visant à s'assurer des accords d'exclusivité de distribution de musique ?

Aujourd'hui, les labels se sont organisés pour répondre aux nouvelles normes de distribution de musique, notamment le streaming, qui propose un accès illimité et permanent à la musique, au lieu d’un achat unitaire ponctuel avec le physique ou le téléchargement. Les labels ont dû reconsidérer leurs méthodes de développement marketing et promotionnel, afin d'accompagner les artistes dans la durée, et moins mettre le paquet lors du démarrage d'un nouveau projet en studio. 

Concernant, les accords de distribution exclusive temporaires ou définitifs, notre règle d'or est la disponibilité de la musique pour le plus grand nombre. On comprend bien où certains acteurs veulent en venir en limitant, sous des formes variables, l'écoute de nouveau projets ; cependant, nous ne pensons pas que cela soit bénéfique sur le long terme car plus la base d'auditeurs est large, plus les morceaux sont viraux, et mieux l'ensemble de l'industrie musicale est gratifiée.  

Que faites-vous pour favoriser l'émergence de nouveaux talents ?

Deux équipes travaillent en étroite collaboration sur ces sujets. La première, composée d'éditorialistes, est à l'affût des nouveautés musicales quotidiennes et a pour fonction de créer et programmer des playlists sélectives pour les auditeurs (de genres, d’ambiances, d’artistes…). En fonction de l'horaire de la journée, un utilisateur sera plutôt tenté de jouer une playlist « Chill » ou « Workout ». Ils programment bien sûr les nouveaux talents qu’ils repèrent. Une seconde équipe se charge de rencontrer régulièrement les labels et managers afin d'être au plus proche des sorties et de travailler à la promotion des artistes sélectionnés par l’Editorial.

L'exemple Petit Biscuit montre bien dans quelle mesure Spotify peut être puissant pour des artistes peu connus. Au départ, l'adolescent qui se cache derrière ce nom d'artiste n'appartenait même pas à la scène émergente de la musique en France. Il a publié un premier morceau qui a bien fonctionné sur Spotify et a été repéré par les équipes éditoriales, qui l’ont d’abord testé sur une playlist en France. Puis d'une playlist vers une autre, d'un pays vers un autre, ce sont des centaines de millions d'écoutes que ses morceaux ont accumulé pour le conduire dans le Top 100 des artistes les plus écoutés de Spotify. Tout peut aller très vite même si ces trajectoires fulgurantes demeurent rares.

 

FS

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