Alors qu’elle espérait renforcer sa présence au Sénat, la République en marche n’obtient finalement que vingt-quatre sièges à la suite du scrutin du 24 septembre dernier. Elle en comptait vingt-neuf auparavant. Une défaite « relative », selon le politologue Bruno Cautrès.

Décideurs. Peut-on parler d’une déroute pour LREM ?

Bruno Cautrès. Difficile à dire, car La République en marche partait de presque rien avant ces sénatoriales. Je crois qu’elle s’attendait néanmoins à un score plus élevé. Non seulement la majorité n’a pas remporté d’élus supplémentaires, mais il en a perdu. Je crois qu’on peut parler d’une défaite relative.

Cet échec est-il uniquement lié au collège électoral, composé d’hommes et de femmes élus en 2014, alors que LREM n’existait pas encore ?

Le collège électoral n’était effectivement pas favorable à LREM. Mais ce n’est pas la seule raison de cet échec. Celui-ci résulte aussi de la grogne des élus locaux, directement concernés par certaines mesures prises par l’exécutif comme le gel des budgets et la diminution des emplois aidés. Au début de l’été, certains se disaient prêts à rejoindre la majorité présidentielle. Ce n’était plus le cas quelques mois plus tard. Je crois que les élus sont dans l’expectative. Ils attendent de voir si leur électorat adhère ou non à La République en marche avant de s’y engager et de prendre le risque de se faire battre par un parti « classique » en 2020. 

« Tout l’enjeu aujourd’hui pour la majorité présidentielle, c’est d’attirer à elle des sénateurs d’autres partis politiques »

Cet épisode aura-t-il des conséquences pour Emmanuel Macron ? La réforme constitutionnelle qu’il espère mettre en œuvre est-elle remise en question ?

Cet échec ne remet pas en question la réforme, mais complique sa mise en œuvre. Tout l’enjeu aujourd’hui pour la majorité présidentielle, c’est d’attirer à elle des sénateurs d’autres couleurs politiques. Plusieurs questions sont pour l’heure en suspens. Les élus de droite favorables à Emmanuel Macron, vont-ils créer au Sénat un groupe à part, à l’image des « constructifs » de l’Assemblée nationale ? Nous le saurons dans les prochains mois.

Le Sénat devient-il un véritable contre-pouvoir ?

Le pouvoir du Sénat est limité. La vision qu’il offre de la société civile est par ailleurs tronquée puisque les territoires ruraux y sont proportionnellement surreprésentés. Il contribue néanmoins à l’équilibre politique du pays. Si l’Assemblée nationale a systématiquement le dernier mot dans le mécanisme de production des lois, certaines statistiques démontrent qu’au cours des précédentes mandatures, dans deux tiers des cas, les commentaires du Sénat ont été incorporés aux textes législatifs.

« Cet échec ne remet pas en question la réforme constitutionnelle, mais complique sa mise en œuvre»

La Haute chambre reste majoritairement dans l’opposition, une bonne chose pour notre démocratie ?

Dans le contexte français, où l’exécutif tend à dominer la vie politique, il est effectivement bon pour notre démocratie d’avoir une deuxième chambre en mesure de modérer, de tempérer, d'introduire un autre point de vu. La majorité présidentielle est ainsi contrainte d’admettre qu’elle ne contrôle pas tout. Je crois néamoins que le Sénat a tout intérêt à se montrer acteur de sa propre réforme. Il devrait notamment renforcer ses prérogatives en matière d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Le mode de scrutin des sénateurs est par ailleurs une vraie question, tout comme celle du rééquilibrage démographique. 

 

Propos recueillis par @CapucineCoquand

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