L’économiste Bertrand Martinot, conseiller emploi au cabinet de la présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse, et auteur de Pour en finir avec le chômage et de Chômage : inverser la courbe, livre son regard sur la réforme du travail.

Décideurs. Lors des Entretiens de la cohésion sociale*, vous expliquiez que la réforme bénéficie en premier lieu aux employeurs, pouvez-vous détailler ?

Bertrand Martinot. Cette réforme est faite pour favoriser le dialogue social et déverrouiller les freins à l’embauche, sécuriser les licenciements et le temps de travail. Son objet n’est pas d’apporter plus de sécurité, même si on peut nuancer avec les nouveautés concernant le télétravail par exemple. C’est en ce sens qu’elle bénéficie aux employeurs.

Peut-on parler d’un choc psychologique positif ?

Oui ! Les patrons des TPE-PME considèrent que la réforme est faite pour eux et en effet de nombreuses dispositions leur sont consacrées. On se gargarisait de dialogue social, mais cela ne correspondait à aucune réalité puisqu’il n’y avait pas d’IRP dans les TPE-PME. Pour les grandes entreprises, le choc positif est plus symbolique mais cela reste essentiel, en particulier pour les groupes internationaux. Certains grands patrons étrangers pensent encore que les Français ne travaillent que 35 heures. Voilà un symbole – celui des 35 heures – qui a profondément marqué l’image de la France alors qu’en réalité les capacités à flexibiliser les heures de travail y sont beaucoup plus importantes que dans d’autres pays, notamment grâce au mécanisme du forfait-jours.

En quoi cette réforme devrait permettre d’embaucher davantage ? Peut-on le mesurer ?

Cela n’est pas mécanique, on ne peut en attendre des centaines de milliers de créations d’emplois ! Mais la réforme redonne confiance aux chefs d’entreprise, ils se sentent plus libres d’embaucher. Aucune étude économique ne peut le chiffrer mais réduire l’incertitude pousse à l’embauche. La seule loi récente en France qui a réduit l’incertitude, c’est la réforme Bertrand de 2008 introduisant la rupture conventionnelle. Elle est cependant intervenue juste avant une crise, au cours de laquelle nous avons perdu 500 000 emplois, il a donc été difficile de mesurer son impact.

La réforme traitera ensuite de l’assurance chômage et de la formation, qu’en attendez-vous ?

Ce sont des mesures phares, qui sont destinées à créer un équilibre au regard des dispositions des ordonnances. La réforme de la formation professionnelle en particulier est déterminante. Le système actuel du CPF ne fonctionne que parce que personne ne fait de demande de formation : l’année dernière, seul 1 % des salariés du privé ont utilisé leur CPF ! Je pense que ce compte doit être libellé en euros, et non plus en heures de formation fictives. Par ailleurs, les salariés doivent pouvoir « acheter » autre chose que de la formation, je pense par exemple à du conseil en évolution professionnelle. On entretient par ailleurs l’illusion que l’employabilité doit peser sur l’employeur, mais je crois que nous devons redonner des droits aux salariés pour qu’ils soient plus autonomes. L’avenir de la formation professionnelle réside dans l’individualisation des parcours.

Le secteur public doit-il suivre une orientation similaire ?

Ce secteur doit faire face à un vrai défi de transformation qu’il est possible de relever en investissant massivement dans la reconversion. La gestion RH y est d’une rigidité extraordinaire. Certaines personnes souhaitent quitter la fonction publique et y restent uniquement que parce qu’elles ne sont pas accompagnées dans leur projet de départ. Aujourd’hui, personne ne les aide. Je cite souvent l’exemple des enseignants qui pourraient se reconvertir dans le privé, dans le sport, les langues. Les pouvoirs publics devraient payer pour des plans de reconversion, c’est un investissement qui permettrait ensuite de faire des économies durant des décennies.

 

*Organisés par l’Institut Montaigne

 

Propos recueillis par Roxane Croisier

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