Le champion de la primaire de la gauche, crédité autour de 14 % des intentions de vote, peine à convaincre son électorat naturel, massivement attiré par le projet du candidat d’En marche !.

Le candidat socialiste aura bien du mal à tirer son épingle du jeu. D’abord parce qu’il porte sur ses épaules le bilan du quinquennat Hollande, l’un des plus négatifs de la Ve République aux yeux des Français. Ensuite parce que l’aile droite du PS, refusant de s’allier à un ancien frondeur, a d’ores et déjà rejoint les rangs d’Emmanuel Macron. L’élu de Trappes n’est pas non plus soutenu par la gauche de la gauche. Pendant plusieurs mois, il aura, en vain, multiplié les appels du pied à Jean-Luc Mélenchon, crédité autour de 11 % des intentions de vote. Seul Yannick Jadot, le candidat EELV, lui-même jugé trop à gauche par toute une branche des écologistes, a finalement accepté de rejoindre le camp socialiste.

 

Candidat solidaire

 

Et comme si cela ne suffisait pas, l’agenda ne joue pas non plus en faveur de Benoît Hamon. Alors que la plupart de ses adversaires déploient leurs arguments depuis des semaines, lui n’a pu véritablement lancer sa campagne qu’à l’issue de la primaire de la gauche fin janvier. Quatrième dans les sondages avec 13 % des intentions de vote, l’homme tente pourtant de redresser la barre. Depuis le début du mois de mars, il multiplie les meetings et se pose comme le candidat solidaire, à l’écoute de son électorat. Lors de rassemblements collaboratifs, il répond aux questions de son auditoire. «?Je crois à notre intelligence collective?», avait-il d’ailleurs déclaré lors de son discours d’investiture. Tirant à boulets rouges sur la «?monarchie républicaine?», le socialiste le reconnaît?: il n’est pas «?l’homme providentiel?».

 

un projet flou

 

Misant sur les notions de bien-être et de bonheur, il revendique un programme résolument «?optimiste?». Revenu universel, légalisation du cannabis, interdiction des perturbateurs endocriniens… l’objectif de Benoît Hamon?: «?Faire battre le cœur de la France?». Des mesures qui ne font pas l’unanimité. Sur le plan économique, plusieurs experts s’interrogent même sur le caractère réalisable de son programme. Il faut dire qu’en refusant de donner son cadrage budgétaire, le candidat entretient le flou. «?Le bon chiffrage d’un projet, ce n’est pas son coût en euros, c’est son impact sur la qualité de vie des citoyens?», tweetait-il en janvier dernier. Seule certitude?: le revenu universel qu’il préconise – 750 euros versés à chaque citoyen – coûterait, selon lui, 300 milliards d’euros par an. Pour séduire les socialistes toujours indécis, Benoît Hamon doit rapidement gagner en précision.

 

Capucine Coquand 

@CapucineCoquand

 

                              Le programme 

 

Économie

 

  • Réserver 50 % des marchés publics aux TPE et PME.
  • Réduire le coût du capital en modulant l’impôt sur les sociétés en fonction de la part de bénéfices réinvestis.
  • Nationaliser temporairement certaines entreprises.
  • Créer une taxe sur la richesse créée par les robots afin de financer notre protection sociale.
  • Lancer un acte II de l’économie sociale et solidaire pour qu’elle atteigne 20 % du PIB en 2025 (contre 10 % aujourd’hui).

 

Sur le plan économique, Benoît Hamon fait l’objet de vives critiques. Ses adversaires à droite déplorent même son « amateurisme » et sa « démagogie ». De façon plus concrète, certains analystes lui reprochent un déséquilibre entre la redistribution et la production. Pour l’économiste Jean-Marc Daniel, le programme économique de Benoît Hamon manque de cohérence. « Je crois qu’en réalité il serait bien embêté s’il devait effectivement gouverner », estime l’expert. Parmi certaines mesures phares, le candidat PS propose une « taxe robot ». « L’automatisation détruit des emplois », se justifie-t-il. Un projet qui l’oppose frontalement à Emmanuel Macron pour qui « nous devons être une terre de liberté pour l’innovation et pour la création » accusant le socialiste de proposer une réforme faite pour « une économie et une société d’hier ». Enfin, à l’instar de plusieurs candidats, notamment Marine Le Pen, Benoît Hamon se pose comme le candidat des petites et moyennes entreprises et souhaite notamment leur réserver la moitié des marchés publics. Il se distingue cependant de ses adversaires avec sa proposition visant à encourager l’économie sociale et solidaire.

 

 

Société 

 

  • Mettre en place un revenu universel d’existence « pour éradiquer la grande précarité et contribuer à définir un nouveau rapport au travail ». Dès 2018, le RSA sera augmenté de 10 % à hauteur de 600 euros et versé automatiquement à tous les ayants droit.

 

En quelques mois, le revenu universel est devenu la pierre angulaire du programme de Benoît Hamon. Un projet que le candidat socialiste a pourtant récemment revu à la baisse. S’il prévoyait lors de la primaire PS, que cette somme soit versée à tous les jeunes de 18 à 25 ans quel que soit leur niveau de ressources dès 2018, il ne le sera finalement qu’aux jeunes sans ressources (les étudiants par exemple). Un coup de rabot qui s’expliquerait par le financement du projet. Si le candidat évoquait un coût de 45 milliards d’euros lors de la primaire, il parle dorénavant de 35 milliards d’euros. Quoi qu’il en soit, le candidat socialiste espère, avec cette mesure, éradiquer la grande pauvreté. 

 

 

Emploi

 

  • Abroger la loi El Khomri.
  • Faire reconnaître le syndrome d’épuisement professionnel, dit « burn-out », comme une maladie professionnelle.
  • Créer un droit de veto pour les représentants des salariés élus au comité d’entreprise sur les grands choix stratégiques (entreprises de plus de 2 000 salariés).
  • Proposer d’organiser la baisse du temps de travail par un droit inconditionnel au temps partiel accompagné d’une compensation salariale, et d’inciter financièrement les entreprises à valoriser la réduction du temps de travail. La durée légale sera maintenue à 35 heures.

 

Changer notre rapport au travail. Tel est l’un des objectifs de Benoît Hamon. « Il faut repenser la place qu’on lui accorde dans l’épanouissement des individus », explique-il régulièrement, rappelant que le travail doit, selon lui, être « choisi et non plus subi ». Favorable à l’abrogation de la loi El Khomri, le socialiste souhaite rétablir la hiérarchie des normes pour que le code du travail continue de prévaloir sur les accords de branche ou d’entreprise et prévoit d’engager une nouvelle loi travail, construite avec « une vraie concertation avec les partenaires sociaux ». Autre mesure importante du candidat : la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. Une entreprise responsable de ce type de souffrance sera ainsi condamnable. Convaincu enfin que le temps de travail doit être mieux réparti, Benoît Hamon préconise, non pas de supprimer les 35 heures, mais de créer « un droit inconditionnel au temps partiel accompagné d’une compensation salariale ». Les entreprises seront par ailleurs financièrement encouragées à réduire le temps de travail de leurs salariés.

 

 

Transition écologique

 

  • Prévoir un plan d’investissement européen de 1 000 milliards d’euros centré sur la transition énergétique. · Mettre en place une TVA différenciée pour les produits les plus vertueux.

 

« Un programme vert fluo ». C’est ainsi que certains qualifient le programme de Benoît Hamon. Et pour cause : le candidat préconise douze mesures pour engager la transition écologique. Éradiquer le diesel, viser 50 % d’énergies renouvelables dès 2025, sortir progressivement du nucléaire, engager une grande conférence nationale sur l’environnement et la santé, interdire les perturbateurs endocriniens… « La question écologique est inséparable de la question sociale », estime-t-il.

 

 

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