Toujours plus grand, c’est la devise de Vice, l’une des plates-formes de journalisme d’investigation les plus courtisées au monde. Son directeur général en France, Benjamin Lassale, nous reçoit à la veille d'un déménagement : les bureaux parisiens aussi sont devenus trop petits !
Décideurs. Revenons sur votre parcours…
Benjamin Lassale.
Je suis diplômé d’une école de commerce et je ne fais pas partie de l’équipe éditoriale, je n’écris jamais dans le magazine ou sur les sites. Après avoir fait différents stages dans l’industrie de la musique, j’ai fait mes armes chez MTV où je m’occupais des partenariats avec les artistes et les labels au sein du service marketing. Vice m’a recruté en octobre 2010 pour accélérer la transition digitale, notamment sur la production vidéo. Venant d’une chaîne de télévision qui s’adresse aux jeunes, c’était cohérent de venir me chercher pour relever ce défi.

Décideurs… Défi relevé ?
B. L.
Tout à fait. Dès mon arrivée, l’équipe a été mobilisée sur d’importants projets qui ont fait émerger nos deux premières verticales. Lancée dans huit pays, la première, The Creators Project, est dédiée à l’art numérique et la création. La seconde, Noisey, déployée dans plus de quinze pays se consacre à la musique. Ces lancements nous ont permis de développer des contenus vidéo sans pendant print et d’attirer une large audience 18-35ans sur le Web. Plus qu’un accélérateur, elles ont structuré le modèle économique de Vice autour de verticales. Aujourd’hui, Vice News traite de l’actualité, Munchies est notre chaîne cuisine, Thump, se consacre à la musique électronique et Fightland est une chaîné dédiée à la culture des arts martiaux. Pour chaque plate-forme, l’objectif est de réussir à créer des médias qui comblent un vide en offrant des contenus  que l'on ne retrouve pas ailleurs. On marche pas mal à l’envie, on crée ce que chacun de nous a envie de lire. Et comme la moyenne d’âge de l’équipe est de 27 ans, notre cible, c’est nous.

Décideurs. On parle de l’« empire » Vice, sur quoi repose cette suprématie ?
B. L
. Il faut revenir à l’histoire de Vice pour comprendre la construction de cet « empire ». Vice est d’abord un magazine gratuit qui, grâce à une liberté de ton et de maquette, occupe une place à part sur le marché de la presse traditionnelle. Absent des kiosques, Vice a créé son propre réseau de distribution dans les lieux identifiés comme attirant les trendsetters. Les couvertures sont toujours des photos pleine page, des créations uniques qui font la signature du magazine. Deuxième étape, à la fin des années 1990, avec le lancement de Viceland.com, le site internet du groupe. Au début des années 2000, une version anglaise est lancée en Europe. Succès immédiat à Londres suivi d'un déploiement dans le reste de l’Europe. Aujourd’hui, on couvre 36 pays et l’ouverture de nouveaux bureaux est prévue pour la fin de l’année. Au-delà de l’empreinte internationale et de la diversité d’activités, Vice Digital c’est 200 millions de visiteurs uniques par mois et un groupe évalué en septembre dernier à 2,5 milliards de dollars.

Décideurs. Vous venez de lancer Munchies, quelles sont vos attentes pour cette nouvelle offre au pays de la gastronomie ?
B. L
. L’objectif de Munchies c’est de faire du contenu sur la food culture comme on n’en voit nulle part ailleurs. On trouve des annuaires ou des recettes mais pas d’histoires, alors qu’il en existe des milliers. Le régime alimentaire des catcheurs mexicains, les nouveaux "sushi fusion" de la banlieue de Londres où encore des documentaires de 45 minutes sur le foie gras… La cuisine est le besoin primaire de l’humanité, c’est un puits sans fond de récits avec un vrai potentiel vidéo à exploiter. Comme sur chacune de nos plates-formes, l’éditorial est mis en commun entre les différents pays mais les attentes sont d’autant plus fortes à l’étranger car la gastronomie française devrait être source de belles histoires.

Décideurs. Et du côté des annonceurs ?
B. L.
Ça rajoute une corde à notre arc. Comme sur toutes nos verticales, on a accès à tous les insiders du milieu, ce qui nous permet d’être identifiables plus facilement. Par exemple, en parallèle du lancement, on a mis en place le grand prix de l’apéronomie pour Leffe en marque blanche. Le fait que Munchies existe nous a clairement aidés à décrocher le projet.

Décideurs. Jusqu’où ira la diversification ?
B. L.
La diversification est la force de la marque Vice , donc elle continue. Toujours sur le terrain éditorial.  On s'apprête à lancer le site i-D.co sur le segment mode, et Motherboard sur les nouvelles technologies. On veut aussi déployer Vice Sports pour être opérationnel au moment de l’Euro 2016. Diversification des supports aussi. On produit aujourd’hui une émission de news sur France 4 et on lorgne sur le cinéma. Vice film est déjà lancé aux US depuis la signature d’une joint-venture avec la Fox. On a déjà des films de fiction qui ont été primés, à Sundance notamment.

Décideurs. Vous êtes les premiers à avoir trouvé un modèle digital qui fonctionne, quelles ont été les clés d’un tel succès ?
B. L.
La structure du groupe et la mise en commun de contenus issus de trente-six pays est le premier facteur. Photo, vidéo... on ne travaille qu’avec un dixième des personnes qui nous sollicitent. C’est pour ça que nous sommes le seul magazine gratuit que les gens collectionnent. Notre force est aussi d’entretenir d’excellentes relations avec nos partenaires Youtube, Facebook, Twitter, d’avoir été les premiers à avoir des contenus en distribution sur Snapchat pour rester connecté avec notre audience qui utilise tous les jours ces outils.

Décideurs. Quelles sont les sources de revenus de Vice ?
B. L.
La régie publicitaire est la principale source de revenus. L’équipe vend les espaces Vice mais pas seulement, nous sommes la régie de plusieurs sites avec lesquels nous partageons une cible commune tels que Time Out, Nova Planet, A Nous Paris, Fubiz, Ufunk, ou des sites internationaux comme Deviant Art ou Highsnobiety. On a également une activité d’agence qui produit des événements et des vidéos en marque blanche. Nous assurons aussi la syndication de contenus et la production pour des tiers comme France Télévisions ou Orange. La France représentait 3,5 millions d’euros l’année dernière : l’objectif est de dépasser la barre des sept millions en 2015. Quant au chiffre d’affaires mondial, il est de 500 millions de dollars.

Propos recueillis par Alexandra Cauchard 

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