La Cour de cassation vient de reconnaître la validité des fonds structurés en tant que supports financiers aux contrats d’assurance-vie. Une solution fortement attendue puisque les EMTN font l’objet d’une importante demande de la part des épargnants.

Près de quarante-trois milliards d’euros étaient en jeu, soit la somme des contrats d’assurance-vie investis dans des produits structurés. Le verdict de la plus haute juridiction française, rendu le 23 novembre dernier entérinant que de tels placements peuvent être réalisés, était particulièrement attendu par les professionnels de l’assurance-vie.

Réajustement juridique

Tout commence en 2012 lorsque l’assureur Generali France est assigné en justice par un de ses clients pour avoir intégré un produit structuré, sans garantie de capital, dans son contrat d'assurance-vie. Les juges de la cour d’appel de Paris considèrent alors qu’un établissement de crédit ou un assureur ne peut proposer à sa clientèle d’investir dans ce type de fonds dans ce cadre et condamnent la société à rembourser à l’épargnant les pertes subies. La raison principale invoquée : la complexité de ces produits financiers. Une solution « difficilement compréhensible et justifiable d’un point de vue juridique » aux yeux de Me Guillaume Hannotin, représentant de la Fédération française de l'assurance (FFA) dans cette affaire.

Issus de la combinaison entre un placement financier traditionnel (indices boursiers, actions) et des produits dérivés, les Euros Medium Term Notes (EMTN) sont des obligations de moyen terme à capital non garanti, qui présentent un risque de perte pour le client investisseur car soumis aux fluctuations du marché. Un système que la juridiction de second degré considère comme peu compréhensible pour les consommateurs non professionnels. À son sens, la qualification d’« obligation » dans le contrat suppose l'existence d’un mécanisme de garantie de remboursement du capital pour l’investisseur. Considérant que les EMTN ne répondent pas à cette exigence, la cour d’appel conclut qu’ils ne peuvent servir de support aux unités de compte pour un contrat d’assurance-vie. Pour Me Hannotin, cette « prétention peu crédible et artificielle », n’empêche pourtant pas la réalisation des investissements, sous une appellation voisine. Si les assureurs-vie attendaient le réajustement juridique de la part de la haute juridiction, la donne change aussi pour les consommateurs qui devront faire preuve d’une vigilance accrue.

Accepter le risque de perte

Depuis plusieurs années, l’Autorité des marchés financiers (AMF) formule des mises en garde et des recommandations à l’égard de produits financiers structurés. Soucieuse de la protection des investisseurs sur le marché de l'épargne, elle ne considère pas ces supports d’investissement comme une « obligation » au sens de l’article L.213-5 du code monétaire et financier. Les experts intervenant auprès du régulateur les dénoncent également, allant même jusqu’à préconiser l’interdiction de leur commercialisation à une clientèle non professionnelle. La décision de 2016 représentait donc une avancée majeure pour la protection des épargnants. Si l’arrêt de la Cour de cassation remet aujourd’hui tout en question, l’investisseur au contrat d’assurance-vie n’est pas pour autant dépourvu d’armes face à la complexité du produit qu’il utilise pour investir. Me Hannotin précise en ce sens que « la réglementation existante est amplement suffisante et très détaillée ». Encore faut-il que l’épargnant soit en mesure de comprendre les règles en vigueur. Pour ce faire, le code des assurances dresse une liste d’instruments financiers éligibles aux unités de comptes « dont certains sont beaucoup plus risqués que le EMTN, comme les fonds d’investissement alternatifs, les fonds communs de placement à risques » détaille l’avocat.

S’ils sont des produits structurés, les EMTN restent des supports d’investissement qui s’adressent à des épargnants avertis, « en pratique, des clients généralement fortunés disposant d’un patrimoine financier important » indique Me Hannotin, mais surtout conscients du risque de perte auquel ils s’exposent. En parallèle, les professionnels de l’assurance sont en principe largement habilités à conseiller et mettre en garde les clients, tout particulièrement lorsque ceux-ci souhaitent d’eux-mêmes utiliser ces instruments financiers. Grâce à leur devoir d’information et de conseil, ils sont en mesure de repérer les clients capables d’assumer la complexité et les enjeux de ces produits structurés. Maître Hannotin soulève cependant que « la mauvaise foi et l’abus de droit ne sont jamais très loin » : il a récemment eu à traiter d’un dossier dans lequel le droit de renonciation a été jugé abusif. S’il affirme que « la perte de capital ne doit pas être regardée comme un risque inacceptable pour les clients », il est évident que tous ne sont pas prêts à l’accepter. La prudence reste donc de mise afin d’éviter que chaque affaire ne soit portée devant la justice.

Marine Calvo

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