En se rapprochant de la Compagnie financière Martin Maurel, Rothschild & Co a réalisé l’opération capitalistique la plus structurante de ces dernières années sur le marché français. Alain Massiera nous en explique l’intérêt et revient, par ailleurs, sur les bouleversements qui animent le métier de banquier privé.

Décideurs. L’impact de l’inflation réglementaire pèse sérieusement sur la rentabilité des banques privées et la manière dont elles organisent la relation avec leurs clients.

Alain Massiera. La directive Marchés d'instruments financiers révisée (Mifid 2) a des conséquences importantes pour les banques privées, notamment en matière de transparence des prix et du mode opérationnel et relationnel avec les clients. Toute la question est maintenant de savoir dans quel cadre s’inscrira la relation des banques avec leurs clients. En France, environ 50 % des relations entre une banque privée et ses clients s’établissent sur la base d’un conseil verbal, informel. Les mandats de gestion et de conseil écrit représentent, quant à eux, seulement 30 % et 15 % des relations. C’est bien trop peu. Une véritable révolution se prépare à partir du 1er janvier 2018 : le conseil informel, c’est-à-dire verbal, sera alors interdit. Je m’étonne d’ailleurs qu’il n’y ait eu aucune communication de places pour expliquer les conséquences pour les épargnants. Pour réaliser une opération d’investissement, ces derniers devront soit passer leurs ordres directement auprès de leurs banquiers sans recueillir de conseil, à moins d’avoir signé un mandat de conseil, soit signer un mandat de gestion délégant à la banque la gestion de tout ou partie de leurs avoirs financiers dans le cadre de profils de risque/rendement prédéfinis.

Environ 50 % des relations entre une banque privée et ses clients s’établissent sur la base d’un conseil verbal, informel

Pour les banques privées, la solution passe-t-elle par la signature d’un mandat de conseil et/ou de gestion les liant à leurs clients ?

Une hausse du nombre de mandats de conseil pourrait effectivement leur permettre de remplacer le rôle verbal qu’elles avaient auparavant. Dans ce cadre, la banque privée devra s’assurer de la qualité du suivi des recommandations et vérifier régulièrement qu’elles sont toujours en adéquation avec le profil de risque du client et ses besoins. Cet aspect a un coût qu’il convient de ne pas sous-estimer. La signature de mandats de gestion discrétionnaire par le client auprès de sa banque selon un profil de risque prédéterminé est probablement une solution plus optimale, moins consommatrice de temps pour le client. Cet encadrement très formalisé des relations avec les clients nécessitera des investissements et des coûts importants de la plupart des acteurs et donc une pression sur leur rentabilité.

Rehaussement de leur seuil d’entrée, réduction des effectifs … Certaines banques privées n’ont pas hésité à prendre des solutions drastiques.

On constate trois types d’attitudes. D’une part, les banques qui ont fait le choix de rehausser le seuil d’entrée d’intervention auprès des clients afin de limiter le nombre de relations bancaires, ce qui peut être perçu comme une forme de stratégie de repli. D’autre part, certaines ont  anticipé l’application de Mifid 2 en transformant leur business model et en réduisant les coûts dans la chaîne d’intervention auprès des clients tout en essayant de faire croître le nombre de clients suivis dans le cadre d’un mandat de conseil et/ou de gestion discrétionnaire. Enfin, des établissements comme le nôtre ont très tôt bâti un modèle reposant principalement sur le mandat de gestion et une valeur ajoutée additionnelle dans la relation client en limitant un type de relation basé sur un conseil verbal uniquement qui ne sera plus possible dès 2018. Dans tous les cas, les banques privées devront démontrer leur valeur ajoutée avec une meilleure transparence sur l’ensemble des coûts des prestations. Certains établissements se tournent de plus en plus vers la digitalisation du conseil, au risque, à mon sens, de perdre du lien humain. Il appartiendra au client de juger de la pertinence de ces différentes stratégies.

Le rapprochement entre la Compagnie Financière Martin Maurel et Rothschild & Co constituait une opportunité unique d’accélérer le développement sur le marché français 

La fusion entre Rothschild & Co et la Compagnie financière Martin Maurel est désormais effective. Quelles sont les raisons qui ont conduit à ce rapprochement ?

Le rapprochement entre la Compagnie Financière Martin Maurel et Rothschild & Co constituait une opportunité unique d’accélérer le développement sur le marché français et d’en assurer la pérennité à long terme. Le groupe combiné atteint une taille critique, et constituera une des principales banques privées familiales indépendantes en France, avec un positionnement unique ciblé notamment sur les entrepreneurs familiaux. Les clients des deux groupes bénéficieront d’une offre élargie outre bien évidemment les services de gestion discrétionnaire déjà bien étoffés au sein des deux banques : Rothschild & Co apportera son expertise dans les services de Family Office, d’Ingénierie Patrimoniale, de banque d’affaires et de capital investissement et dette privée (Merchant Banking) ; et la Compagnie Financière Martin Maurel apportera son expérience et sa capacité de financement des PME, d’octroi de crédits hypothécaires, de même que ses fonds d’investissement thématiques en gestion d’actifs. Il s’agit d’une opération de développement ambitieuse avec des complémentarités fortes mises au service de nos clients, en préservant ce qui a fait le succès des deux maisons, notamment la proximité avec les clients. La clientèle et l’offre de nos deux banques privées étaient parfaitement complémentaires. Ce rapprochement nous permet également d’optimiser notre présence territoriale suivant un axe Paris, Lyon, Marseille.

A.F.

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